Les membres Caribexpats passent en interview tous les jours à 12h30 en partenariat avec la radio RCI dans l’émission “Les Antillais dans le Monde”. Pietrick, martiniquais à Abu Dhabi évolue dans le secteur de l’aérien après un parcours d’études en Martinique puis à Londres et aux États-Unis. C’est parti pour un tour dans les Émirats !
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Partie 1 – Interview Pietrick martiniquais à Abu Dhabi
Bonjour Piétrick vous êtes en Martinique pour un peu de vacances, mais le reste de l’année vous êtes installé très loin. Où est-ce que vous vivez ?
J’habite à Abu Dhabi près de Dubaï. Je sais que les gens connaissent plus Dubaï.
Vous faites quoi ?
Je travaille pour Etihad Airways, la compagnie aérienne nationale des Émirats et je suis en charge des opérations à bagages de l’entreprise. Mais j’ai démissionné le mois dernier. J’ai plus de propositions, je pense choisir Dubaï mais après j’en ai aussi pour Hong Kong, l’Irlande et l’ Australie. Je suis en période de transition.
Cela fait rêver. On quitte un job et on a tellement de propositions qu’on hésite. Qu’est-ce qui vous donne cette chance ?
C’est le choix de l’aviation. Dans tout ce qu’on appelle le « business improvement » donc l’amélioration des process. Ce sont vraiment des compétences particulières et l’aviation est un domaine qui fonctionne une année mais pas l’année suivante donc il y toujours des améliorations, de la transformation à faire. C’est très demandé.
Vous avez toujours voulu travailler dans l’aviation ? Quel est votre parcours ?
J’ai toujours voulu voler. Travailler dans l’aviation c’était mon but depuis tout petit. A partir du bac, toutes mes études secondaires ont été dirigées pour que je puisse entrer dans une compagnie aérienne. J’ai fait un DUT en gestion logistique et transport en Martinique. Puis j’ai eu l’opportunité de partir en Angleterre où j’ai fait un Bachelor en aviation management et supply chain. Quand je suis parti en Angleterre, je savais qu’en faisant ce Bachelor, j’avais la possibilité de faire une année de stage aux Etats-Unis pour la compagnie aérienne « Virgin Atlantic » donc je suis parti faire ce Bachelor dans l’idée de postuler pour ce stage et de l’avoir et je l’ai eu. J’ai fait une année de stage près de New York. C’était une année formidable. où c’était mon premier job dans l’aviation. Cela a confirmer mon souhait de travailler pour une compagnie aérienne. Après ce Bachelor, j’ai eu la chance d’intégrer Cranfield University. C’est la meilleure université de management en aviation. C’est à une heure de Londres dans le nord. Je me suis spécialisé en airport planning and management, c’est la planification des opérations aéroportuaires et de là, Etihad Airways m’a contacté pour que je puisse travailler pour eux.
On comprend mieux pourquoi vous croulez sous les propositions. Qu’est ce qui a fait que vous êtes arrivé à ce niveau ? C’est “je peux parce que je crois que je peux”…?
C’est “Je peux parce que je veux”. Je voulais vraiment travailler pour une compagnie aérienne car je trouve que l’aviation permet de regrouper les gens. C’est une chance d’aller dans un pays, découvrir une culture ou rester dans un hôtel mais en tout cas être dans un pays différent. L’aviation rapproche les gens et c’est ce qui a fait ma détermination pour entrer dans ce domaine.
C’est quand même beaucoup de travail ?
C’était énormément de travail, de sacrifices parce que depuis 2008, de par mes études, de par mon travail, parce que j’ai aussi travaillé à Londres pour une start-up, qui est maintenant le leader mondial dans son domaine,…même à Etihad, il n’y a pas d’horaires. Je peux commencer à 7h00 et finir à 20h00. Parfois c’est plus calme mais quand on est dans un domaine de transformation des processus, il faut être dans les opérations. Donc, c’est beaucoup de boulot et avant cela, académiquement parlant, pour mes études c’était aussi pas mal de boulot. Cranfield c’est très sélectif, donc il fallait se donner les moyens et pareil pour partir en Angleterre après mon DUT en Martinique. Je ne parlais pas anglais donc c’est beaucoup de travail à la maison etc…
Partie 2 – Interview de Pietrick martiniquais à Abu Dhabi
Vous êtes installé à Abu Dhabi depuis combien de temps ?
Cela fait depuis décembre 2014.
Depuis trois ans que vous êtes à Abu Dhabi, vous commencez à bien connaître le pays. C’est très différent de notre façon de vivre ?
Totalement différent. Même en ayant vécu et voyagé dans pas mal de pays, Abu Dhabi c’était vraiment un choc. Je me souviens les premiers jours : voir des femmes en burqa, on ne voit même pas les yeux, voir les hommes avec les robes blanches. C’était assez choquant mais je me suis habitué, j’ai appris à connaître la culture. Pour Etihad, quand on a commencé, on avait une semaine d’ “induction” pour nous dire quoi faire et pas faire car le pays est dirigé par la Charia qui est la loi musulmane et il faut respecter la culture et la religion.
Ce sont des lois sévères ?
Oui, c’est vraiment restrictif par exemple on ne peut pas marcher dans la rue en montrant les signes d’affection, on ne peut pas boire n’importe où. Une fois qu’on connaît les règles, la vie est assez simple même s’il y a par exemple des sites web bloqués, les appels Whatsapp ou skype bloqués. Il y a beaucoup de restrictions, certains aiment, certains n’aiment pas. Je sais que mon père n’aime pas du tout ! Mais une fois qu’on connaît les règles la vie est très simple. Le luxe est aussi totalement différent. Les Émirats n’existaient pas il y a 50 ans, c’était très pauvres. Ils ont découvert des gisements de pétrole et du jour en lendemain les Émiratis, donc les habitants des Émirats, ont connu le luxe. Il n’y a pas de limite par contre et cela aussi a été un choc pour moi.
C’est vrai qu’il y un luxe vraiment très ostentatoire ?
Le marbre dans les hôtels, pour tout le monde c’est normal d’avoir une Porsche Cayenne ou un Range Rover dernier cri. Les prix pour le shopping et les restaurants sont quand même élevés. C’est du luxe certes mais même le service que l’on reçoit dans les hôtels est au niveau du luxe.
Du coup, il faut avoir un super salaire ?
Oui, l’avantage des Émirats c’est qu’il n’y a pas d’impôts ni de taxes donc le salaire est quand même très élevé. Ils essaient aussi d’attirer les expatriés parce que comme j’ai dit, il y a 50 ans, les Emiratis étaient des pêcheurs…ils essaient d’attirer les personnes qui ont des compétences. Donc les salaires sont doublés ou triplés selon les compétences.
Donc c’est quand vous rentrez en Martinique que vous êtes le roi du pétrole ?
Il ne faut pas dire çà pas trop fort !
Partie 3 – Interview de Pietrick martiniquais à Abu Dhabi
Lorsque vous rentrez au pays, çà ne vous fait pas un choc ?
J’ai la chance, de par l’éducation de mes parents, de garder les pieds sur terre. A Abu Dhabi, j’ai une petite Peugeot, je ne vis pas dans le luxe donc venir en Martinique, c’est ce qui est bien ! Cela fait 13 ans que je suis parti de Martinique quand même mais je ne me sens pas étranger, je me sens toujours chez moi. Certes il y a des comportements agaçants de temps en temps mais c’est toujours un plaisir de revenir. Je reviens avec pleins d’idées à chaque fois et j’en parle avec des gens. Je reviens plus avec un esprit curieux qui a envie de partager l’expérience que j’ai pu avoir.
Vous avez encore beaucoup de choses à découvrir, vous n’avez que 31 ans. Est-ce que vous envisagé quand même de revenir travailler ici en Martinique ?
Cela va dépendre de l’opportunité. J’ai déjà commencé à discuter avec des gens ici et là. Je sais qu’on parle beaucoup du retour des cerveaux, en Martinique, du retour des gens qui partent tous en France ou à l’étranger. J’aurais vraiment incité à ce que les actes suivent la parole parce que j’aurais bien aimé revenir partager mon expérience.
Et votre lien avec la Martinique aujourd’hui ?
La Martinique c’est ma famille, mon pays. J’y suis toujours très attachée et d’ailleurs j’ai hâte d’y retourner cette année. J’ai des amis martiniquais au Luxembourg et c’est un lien qui est permanent et qui n’est pas rompu.
Vous avez vécu à plusieurs endroits, en Europe. Est-ce que à chaque fois vous retenez quelque chose du pays ? L’idéal c’est de retrouver tout ce qu’on aime dans un seul pays ?
Oui j’ai vécu en France, aux Etats-Unis, en Angleterre, aux Émirats. C’est sûr que j’ai adoré la vie aux Etats-Unis. Mais c’est cher : les assurances, si on a une famille là-bas. J’ai aimé Londres mais le problème c’est le temps et la nourriture. Il fait gris. Les Émirats c’est très bien mais il fait super chaud en été. C’est très difficile de choisir mais la qualité de vie en Martinique est très bien. C’est quelque chose que tous mes amis me disent et moi aussi.
Vous n’ excluez pas de revenir ? Vous dîtes aux jeunes qui se lancent qu’il faut voyager ?
Oui, il faut vraiment voyager. J’ai la chance de pouvoir parler aux étudiants de Martinique de temps en temps, quand je rentre en vacances ou par Skype. Je leur dis qu’il faut vraiment voyager, même si c’est dans les Caraïbes. Il faut découvrir d’autres cultures parce que ce n’est que comme çà qu’on peut changer sa mentalité, apprendre une langue. On est quand même en 2017 et la mondialisation se fait depuis un moment déjà. C’est très important de parler au moins l’anglais.
Aujourd’hui vous parlez un peu l’arabe ?
Pas du tout. J’ai essayé ! J’ai pris des cours mais c’est vraiment une langue compliquée. Aussi, les Emiratis ne se mélangent pas trop avec les expatriés donc c’est vraiment très difficile de pouvoir échanger.
Quand vous parlez de La Martinique, ils voient où c’est ?
Pas du tout. Donc je suis un très bon ambassadeur parce que je prends le temps de montrer sur la carte, d’expliquer d’où je viens. J’ai fait une conférence à Goa, en Inde et pour finir ma présentation, je mets la Martinique sur une carte pour montrer où c’est. C’est très important pour moi de revendiquer que je viens d’une petite île. Je suis français oui mais on est quand même dans les Caraïbes.
On a l’impression que parce qu’on vient d’une petite île, on a quand même l’envie de la faire connaître aux autres…
Oui, je pense. J’ai aussi pas mal voyagé grâce à Etihad et j’ai rencontré pas mal d’expatriés. On est vraiment très fier d’être martiniquais et de parler aux autres de notre culture, notre musique, notre créole. Le fait de venir d’une petite île qui est assez différente et qu’on entend notre accent. On est français oui mais on vient de la Martinique et les gens sont vraiment curieux. Ils veulent savoir qui vous êtes exactement donc c’est vraiment intéressant.
En tout cas, cela donne envie d’aller découvrir les Émirats qu’on ne voit qu’à la télévision…
Il y a un vrai tourisme et je crois que cela va de plus en plus se développer. En 2020, il y aura l’exposition mondiale à Dubaï donc ils vont encore plus parler des Émirats.