Retrouvez les interviews de membres Caribexpats tous les jours à 12h30 en partenariat avec la radio RCI dans l’émission “Les Antillais dans le Monde”. Linius, martiniquais à Tokyo qui a tout juste 25 ans partage son parcours. Il travaille dans le secteur de la chimie.
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Réécouter l’ interview de Linius, martiniquais à Tokyo (Japon)

Partie 1 – Interview de Linius, martiniquais à Tokyo (Japon)

Bonjour Linius, nous vous appelons au Japon, vous y êtes depuis un an. Où êtes-vous exactement ?

Je suis à l’est de Tokyo dans une ville qui s’appelle Nishi-Kasai.

Est-ce que vous pouvez me raconter ce qui vous a amené à vous installer au Japon ?

A la fin de mes études, je souhaitais commencer à travailler dans le secteur de la chimie, sur quelque chose qui était assez proche des thématiques business et j’ai eu la chance de voir une offre de VIE (Volontariat International en Entreprise) au Japon. Étant donné que j’avais déjà une exposition au monde asiatique, j’ai pu passer les entretiens et être sélectionné pour travailler au Japon.

Quelle exposition au monde asiatique ?

IAu début de mon école d’ingénieur j’ai commencé à apprendre le mandarin. Ça n’a rien à avoir avec le japonais. Ensuite en 2015, j’ai fait un double diplôme  avec la National University of Singapore, durant un an et demi. Maintenant il faut savoir que la culture japonaise est vraiment très différente de la culture chinoise. Donc à priori je n’étais pas bien parti pour bien comprendre cet univers, mais les entretiens se sont bien passés surtout en ce qui concernait la partie plus technique du job.

On va revenir en arrière en Martinique où on vous reconnaît déjà de très grandes qualités parce que vous êtes boursier Alizé, c’est ça ?

Oui j’ai obtenu la bourse Alizé en 2010 à la fin de ma terminale que j’ai fait au lycée de Bellevue en section scientifique option Mathématiques.

Vous aviez déjà un parcours brillant et une passion pour les sciences et la chimie en particulier ?

Déjà à la fin de la terminale je souhaitais poursuivre en chimie donc je suis allé en classe préparatoire, filière physique chimie sciences de l’ingénieur (PCSI) puis filière physique chimie en deuxième année (PC). Mais en terminale j’ai passé divers concours. D’ailleurs c’est un conseil que je donnerai aux élèves de première et de terminale. Il faut passer énormément de concours durant cette tranche. J’ai passé en particulier le concours de l’école de médecine militaire de Lyon Bron, ça s’est bien passé. Il y avait également le concours des différentes INSA qui peut se passer en terminale et que j’avais passé. Et un autre concours d’école de commerce que j’avais également passé. Maintenant j’ai choisi à la fin de ma terminale de m’orienter vers la prépa mais je ne regrette absolument pas d’avoir passé ces concours parce qu’ils m’ont énormément formés et ils m’ont préparés à la prépa et aux concours que j’allais avoir deux ans plus tard.

Comment est-ce que vous avez fait pour garder ce cap d’excellence ? Ça c’est un autre conseil peut être pour nos jeunes…

Le plus important c’est de faire des fiches surtout dans certaines matières clés comme les mathématiques et la physique. J’en ai aussi fait en chimie, ça sert beaucoup pour retenir le cours. Le 2ème conseil c’est de bien planifier ses vacances, et ranger sa chambre avant les vacances. Ça paraît stupide mais le fait de tout arranger avant de partir permet d’avoir l’esprit assez clair. Il faut aussi préparer un emploi du temps pour ses vacances, surtout en prépa où il faut essayer de maximiser son efficacité au travail. Le 3ème conseil c’est de rester aux alentours de son lieu d’étude pendant les petites vacances. Il faut éviter de rentrer en Martinique à ces périodes car ça peut casser le rythme et reprendre après c’est un peu plus difficile.

Partie 2 – Interview de Linius, martiniquais à Tokyo (Japon)

Après vous partez pour l’école d’ingénieur, mais à quel moment se fait le choix de l’étranger ?

Plutôt lorsque j’avais 20 ans, j’allais passer les concours d’écoles d’ingénieur. Dès lors que j’ai réussi à entrer au sein de l’école polytechnique, j’ai souhaité partie à l’international avec mes choix de langues étrangères. Cela s’est concrétisé par un premier stage que j’ai eu la chance de faire à Hong Kong grâce au réseau de la bourse Alizé sur la partie chimique du traitement de l’eau. Deux ans après, j’ai eu la chance d’être accepté par l’Université de Singapour pour continuer la suite de mes études.

Comment s’est passé l’arrivée au Japon ?

C’était assez difficile. Il y avait et il y a toujours la barrière de la langue. Le japonais est vraiment très différent des langues européennes et d’autres langues asiatiques. Ensuite, il a fallu rentrer dans le travail assez rapidement, me mettre dans le bain. J’ai donc eu beaucoup de challenges. Maintenant en ce qui concerne le paiement des factures, la recherche d’un logement…ça a été moins difficile parce qu’il faut dire que le Japon est bien développé et très bien structuré. Donc il est assez facile de s’installer au Japon.

Et le travail que vous occupez vous plaît ?

Le travail me plait beaucoup. Je travaille à Arkema dont je souhaiterais faire la promotion parce que c’est une très bonne entreprise d’ailleurs. Cette entreprise est spécialisée dans beaucoup de domaines de la chimie mais en particulier les plastiques, donc les polymères. Je travaille sur un certains types de polymères que l’on appelle les nylons et en particulier sur une gamme spéciale de nylons qui ont certaines propriétés et qui sont utilisés dans les voitures. Mon travail consiste à identifier les différentes parties de la voiture qui peuvent être faites en nylon. Et à partir de ces différentes parties, d’examiner le tissu économique qu’il y a derrière. C’est-à-dire quels sont les acteurs qui vendent, quels sont les acteurs qui achètent, les liens entre les deux, les parts de marché, etc. J’aime beaucoup car c’est assez vaste. Ça touche à la fois des domaines techniques et des domaines business et aussi un peu de domaine culturelle par rapport aux spécificités du marché japonais. Et donc pour le coup je suis vraiment ravi d’avoir eu ce job. Mes collègues sont tous très sympathiques et tout le monde parle anglais donc il n’y a vraiment pas de soucis pour s’exprimer et exprimer ses idées et émotions dans la branche japonaise d’Arkema.

Vous travaillez principalement en anglais ?

Oui, l’anglais et comme il y a également des Français dans la boite, donc je parle aussi le français. Il m’arrive parfois d’utiliser le japonais pour des choses assez spécifiques.

Vous arrivez à parler à vos collègues de la Martinique ? Ils connaissent ?

La plupart des Japonais connaissent plutôt la Nouvelle Calédonie parce qu’ils sont assez proches, c’est là où certains partent en vacances. Ensuite, il y en a certains qui connaissent la Réunion mais la plupart d’entre eux ne connaissait pas du tout la Martinique. Je dis que c’est à côté de Cuba, mais maintenant je pense que mes collègues connaissent.

Partie 3 – Interview de Linius, martiniquais à Tokyo (Japon)

Tout ceux qui me rencontrent sont étonnés par l’éloignement, l’endroit d’où je viens et également par les spécificités de notre culture. Ce qui me plaît, ce que j’adore dire et je suis vraiment convaincu de cela, c’est qu’en Martinique, on va même prendre la Martinique, Guyane et Guadeloupe réunis, je pense qu’au total on doit être 1,2 millions d’habitants au maximum et pourtant on arrive à produire énormément produits culturels ne serait ce que par la diversité de nos musiques et des produits agricoles que l’on peut fournir. C’est vraiment quelque chose que je souligne à chaque fois surtout au niveau de la musique.

Vous avez croisé des antillais, des martiniquais à Tokyo ?

Oui, d’ailleurs je tiens à remercier Caribexpat.com, c’est un site internet qui permet aux différents ressortissants de Martinique, Guadeloupe et Guyane, de trouver des personnes originaires de ces régions au quatre coins du monde. Donc j’ai utilisé le site une fois et ça m’a permis de trouver des personnes qui habitent à Yokohama. C’est un peu au sud de Tokyo et ça m’a permis de rencontrer la communauté antillaise. Il y a également une association japonaise qui s’appelle Martinique Guadeloupe Japon et qui est basée à Kyoto, une ville au sud du Japon. L’association fait la promotion de la Martinique et de la Guadeloupe au Japon. Elle permet à certains étudiants Antillais de trouver des stages au Japon.

Parlons un peu du Japon quand même. Maintenant que vous êtes là depuis plusieurs mois, qu’est-ce que vous pensez de cette culture et de cette société japonaise ?

C’est une culture qui est très axé sur l’amabilité, le service au client, le respect. A chaque fois que je parle avec des personnes, il y a beaucoup de « excusez-moi », « je suis désolé » etc… Le Japon est très chaleureux envers les étrangers de façon extérieure. Maintenant c’est aussi une culture qui est très ancrée sur elle-même. Paradoxalement, elle est assez fermée sur sa propre culture au sens où on ne trouve pas beaucoup de Japonais qui parlent anglais et que c’est difficile de communiquer avec le reste de la population. Maintenant, il faut aussi dire que c’est une culture qui est très riche, qui a je crois au moins 1.500 ans d’histoire impériale et beaucoup plus en histoire ancienne. C’est vraiment un monde à part on va dire.

Et la vie au quotidien ? Les problématiques environnementales, la culture du risque. On sait qu’au Japon ils sont quand même très bien formés.

On parle souvent de culture asiatique mais il y a différentes cultures asiatiques. Je pourrais faire une comparaison entre ce que je sais de la culture chinoise et ce que je pense savoir de la culture japonaise. Au Japon c’est très organisé, beaucoup de choses sont protocolaires au niveau de la gestion du risque. Ça a ses avantages, par exemple l’efficacité pour l’agencement des bâtiments, ce qui fait que s’il y a un tremblement de terre, il ne va pas y avoir beaucoup de morts a priori. Maintenant ça a aussi ses défauts, à savoir que s’il y a un événement nouveau qui arrive au Japon, ils ont du mal à le traiter parce que c’est assez rigidifié comme gestion du risque. De ce que j’ai compris de la culture chinoise, c’est assez dynamique donc il y a beaucoup de choses qui se créent et il y a beaucoup de chances que beaucoup de choses soient détruites.

Partie 4 – Interview de Linius, martiniquais à Tokyo (Japon)

Est-ce que vous avez eu l’occasion de visiter le Japon ?

J’ai visité Tokyo, Kyoto, Hakone et je prévois d’aller à Okaido au nord et Kyushu au sud. Le Japon a beaucoup de paysages très variés et les quatre saisons des pays tempérés sont très marquées. Au printemps, on voit tout, il y a beaucoup de fleurs roses qu’on appelle les Sakura qui vont s’ouvrir. En été c’est très chaud et il y a des grillons qui font du bruit un peu partout. En automne tout devient rouge, c’est vraiment splendide dans les montagnes. Et en hiver si on s’éloigne de Tokyo, il y a de la neige et des paysages qui sont également sublimes. Il y a beaucoup de différences si on va au nord et au sud. Au nord, comme il fait froid on aura beaucoup plus de neige, c’est assez connu pour les stations de ski. Au sud c’est beaucoup plus de plages et d’îles tropicales. Et enfin il y a une dernière chose qui est très spécifique du Japon, c’est ce qu’on appelle les Onsen. Ce sont des bains chauds qui sont soit dans des maisons, dans ce cas on les appelle plutôt des sentō puisque l’eau n’est pas forcément naturelle, soit au beau milieu d’une forêt ou d’une campagne et ça donne vraiment une impression naturelle. Si vous comptez aller dans les onsen, il vaut mieux ne pas avoir de tatouages parce que c’est interdit, c’est plus ou moins mal vu.

Au niveau alimentaire c’est vrai que la nourriture est différente ?

Oui la nourriture du Japon est très différente de celle de Martinique. Les Japonais ont tendance à manger du poisson un peu cru, c’est comme dans les sushis, c’est vraiment leur spécialité…Alors que nous on a plutôt tendance à assaisonner le poisson et ensuite à le frire ou à le faire bouillir. Je préfère la façon martiniquaise parce que j’aime bien quand le poisson est épicé, ce qui n’est pas le cas au Japon.

Ensuite ils sont également très bons sur tout ce qui concerne les fritures de viande. Ils font beaucoup de porc, boeuf ou poulet frit qui est aussi l’une des spécialités. Il y a des subtilités au niveau de la nourriture si on monte en haut de gamme et si on est prêt à mettre le prix. Si on veut plutôt manger des choses assez communes, je n’ai pas noté énormément de différences entre la cuisine du nord et la cuisine du sud ou du centre du Japon. C’est assez uniforme comme cuisine.

Et au niveau du coût de la vie précisément ?

Au niveau de la nourriture ce n’est pas si cher qu’on pourrait le croire même s’ils importent énormément. Un plat typique peut coûter environ 800 yen donc 6,5€. Donc ce n’est pas si cher pour aller dans des petits restaurants et manger un plat normal. L’inconvénient c’est le prix du logement. Par exemple je suis dans une maison partagée, une “shared house”, je paie l’équivalent de 600€ et je n’ai pas mes propres toilettes ni ma propre salle de bain. Ça peut gêner certaines personnes mais moi c’est bon !

Partie 5 – Interview de Linius, martiniquais à Tokyo (Japon)

Les transports sont très très chers au Japon et ils varient également en fonction des lignes que l’on prend. Plus on change de ligne et plus c’est cher. Contrairement à d’autres villes comme Paris où il suffit d’acheter un ticket pour se rendre à n’importe quel endroit de Paris intra muros.

Vous avez une voiture ou vous utilisez les transports publics ?

Je n’ai pas de voiture, j’utilise les transports publics parce que le système des transports au Japon est très développé et très ponctuel, donc il n’y a jamais de problèmes non plus.

Quels sont vos projets aujourd’hui ?

Pour l’instant ça se passe plutôt bien au niveau de mon travail donc j’espère pouvoir rester au sein de l’entreprise dans laquelle je travaille parce qu’il y a un alignement au niveau de leur activité et de mes intérêts et au niveau de leur présence assez globale. Je souhaiterais continuer sur la même lancée en ayant des activités un peu plus orientées vers les produits eux-mêmes leur utilisation. Pour la localisation géographique ça dépendra, sachant que dans un an mon contrat expirera, je verrai.

Est-ce que vous avez l’occasion de revenir en Martinique ?

Oui, j’espère pouvoir revenir bientôt. D’ailleurs je suis en train de voir pour les billets, je croise les doigts pour y aller disons durant la période des grandes vacances.

Et vous avez pu continuer si mon souvenir est exacte de l’accordéon, de la natation ?

Oui. D’ailleurs quand j’étais à Singapour je jouais avec un groupe d’accordéonistes. On faisait des morceaux qui étaient un peu plus russes parce que le chef du groupe était russe. Je n’ai pas encore trouvé de groupes d’accordéonistes parce que je n’ai pas mis ma tête sur ça mais je continue l’accordéon. Et au niveau de la natation, disons que là je fais plutôt autre chose, plutôt de la course et j’espère faire un marathon un jour donc je m’entraîne pour çà.

En tout cas merci beaucoup Linius pour ce récit sur ce parcours exemplaire. C’est vrai qu’on avait déjà, depuis l’époque de la Bourse Alizé, senti qu’il y avait un potentiel énorme. Quel regard vous jetez justement quelques années après sur votre parcours ?

Pour l’instant tout se passe plutôt bien. Je suis vraiment content d’avoir obtenu la bourse d’Alizé, parce que ça m’a permis d’avoir un bagage à présenter par exemple au niveau des recruteurs. Ça m’a permis d’avoir beaucoup plus de confiance en moi et en mes capacités. Il ne faut pas penser qu’il y a juste la Martinique au sein du monde. Quand on voyage à l’étranger, on se rend compte qu’il y a plein d’autres personnes qui sont très intelligentes, excellentes dans leur travail. Donc je suis très contents d’avoir eu une formation à l’internationale. Ça m’a permis d’avoir beaucoup plus d’humilité, beaucoup plus d’ouverture sur les autres cultures et sur les différents points de vue qu’il peut y avoir et qui sont parfois très différents de ce que l’on peut avoir en Martinique. Merci beaucoup et je souhaite à tout le monde, enfin à la Martinique d’avancer, de réussir et à tout le monde d’être unis !

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