Retrouvez les interviews de Caribexpats tous les jours à 12h30 en partenariat avec la radio RCI dans l’émission “Les Antillais dans le Monde”. Aujourd’hui, l’interview de Christelle, antillaise à Kinshasa !
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Partie 1 – Interview de Christelle antillaise à Kinshasa

Bonjour, Christelle on vous appelle au Congo à Kinshasa. Qu’est-ce qui vous a amenée à vous installer ici depuis le mois d’août 2017 ?

Je suis la responsable de la Croix-Rouge Suédoise, à Kinshasa. Je suis venue ici pour travailler avec les collègues de la Croix-Rouge de la République Démocratique du Congo sur un programme urbain en gestion des risques, particulièrement sur les inondations et les épidémies comme le choléra et la malaria.

Comment êtes-vous arrivée à être la responsable de la Croix-Rouge Suédoise ?

Je suis géographe, et j’ai fait un Master à Montpellier III spécialisé dans la gestion des risques et des catastrophes. Après ce Master, j’ai travaillé directement en Haïti, en développement international. Cela fait déjà 9 ans. J’ai travaillé dans la Caraïbe, l’Asie du Sud-est, en Afrique de l’Est et maintenant en Afrique Centrale. J’ai toujours travaillé au sein d’organisations non-gouvernementales.

Vous avez grandi en Martinique. C’est là que vous avez fait vos études ?

Oui, je suis Foyalaise. J’ai fait mes études au Lycée de Bellevue et après avoir eu mon baccalauréat j’ai intégré la classe préparatoire.

Vous aviez déjà vos objectifs, vous saviez ce que vous aviez envie de faire comme métier ?

La classe prépa m’a permis de mûrir ma réflexion. J’ai toujours aimé l’histoire et la géographie. J’ai toujours voulu travailler dans un domaine qui me permettait de voyager, découvrir d’autres cultures, et d’autres manières de faire. Après ces deux années, je me suis orientée vers la géographie humaine et spécialisée dans la gestion des risques. Je me disais qu’en tant que caribéenne, nous avons quand même les risques naturels notamment cycloniques, volcaniques etc…Et j’ai voulu faire quelque chose qui soit en accord avec le lieu d’où je viens et qui puisse servir à ma région. C’est comme çà que je me suis engagée à être géographe spécialisé dans les risques.

Comment s’est passé le premier job et le premier pas vers ces expatriations ?

Lorsque je faisais mon Master, j’ai eu l’opportunité d’être encadrée par un professeur qui a été affecté en Martinique pendant quelques années. Il connaissait déjà un peu la Caraïbe, il avait pas mal de contacts. Je lui avais dit que je voulais retourner chez moi, faire quelque chose en accord avec mes envies et profitable à la Martinique. Il m’a mis en contact avec le Ministère de l’Intérieur en Haïti, et l’inspection de la Protection Civile. Je suis partie en Haïti au moment du grand tremblement de terre pour 4 mois, où j’ai travaillé dans la section de la Protection Civile, en charge des dossiers de préparation à la saison cyclonique et de faire les évaluations post-catastrophes. Je suis arrivée à une étape charnière, où en 2008 il y avait eu quand même 4 ouragans qui avaient dévasté l’île.

Et en fait les opportunités surviennent, et vous postulez ?

Voilà. Disons que le milieu de l’humanitaire est très peu connu. Ça fonctionne beaucoup en réseau. Quand on y a mis un pied, les choses s’enchaînent assez facilement parce qu’on a des contacts et qu’on sait comment ça fonctionne.

Partie 2 – Interview de Christelle antillaise à Kinshasa

Les postes vont s’ouvrir dans les pays où il y a un besoin de spécialistes dans différents domaines, que ce soit lié à des conflits armés, des évènements, des catastrophes naturelles. J’ai déjà beaucoup travaillé dans la réhabilitation post-catastrophe.

De fil en aiguille, vous partez dans d’autres pays et aujourd’hui en République Démocratique du Congo à Kinshasa. Comment cela s’est passé  ?

Avant ce poste, je travaillais en Asie du Sud-est je suis restée 2 années. J’ai travaillé plus particulièrement sur des problématiques de développement donc intégrer la thématique de gestion des risques et de préparation dans le milieu éducatif. J’ai vraiment envie de faire les choses revenir un peu plus à un contexte humanitaire, avec beaucoup plus d’enjeux. Dans ce type de contexte, il y a l’adrénaline, on n’est pas aux États-Unis ou en Europe, il y a un contexte militaire assez volatile. On ne va pas dire qu’on va révolutionner les choses mais même si je fais 0,1% de contribution, ça a beaucoup de valeur à mes yeux. Je vois le changement au niveau de ce qu’on apporte dans la vie des gens qu’on a assistés. C’est fort au niveau des valeurs. J’ai pris la décision de quitter une zone touristique où tout se passe très bien, et revenir à une zone où la sécurité est plus volatile.

Et qu’est-ce que vous faites, très concrètement ?

J’accompagne la Croix-Rouge de la République Démocratique du Congo dans la mise en place d’un programme urbain. Kinshasa, la capitale, c’est 13 millions d’habitants. Il y a beaucoup de défis : l’accès à l’eau potable, les infrastructures d’hygiène et d’assainissement…Nous avons des personnes logées dans des zones totalement vulnérables et instables le long du  fleuve Congo. Ce n’est pas une capitale avec une belle vitrine. Nous assistons donc la branche de la Croix Rouge provinciale ici et les branches locales au niveau de commune et communautés, à se préparer aux vulnérabilités identifiées dans les zones. Nous faisons donc des formations, des plans de contingences. Nous achetons, et repositionnons des sites pour agir très rapidement et répondre comme ça a été le cas au début du mois de janvier 2018. Il y a eut des inondations à Kinshasa. 9 communes sur 24 ont été impactées. La Croix-Rouge a rapidement déployé ses capacités de réponse. Nous travaillons aussi au niveau national, pour essayer d’avoir une plateforme où les acteurs trouvent des synergies.

Partie 3 – Interview de Christelle antillaise à Kinshasa

Je viens vous avouer que le Congo est un pays assez particulier : le contexte politique, l’est du pays où il y a des conflits armés et des rebelles. Il y a aussi beaucoup d’infiltrations des pays voisins. C’est un pays très pauvre  et qui accueille des réfugiés du sud Soudan, de la Centre Afrique avec beaucoup de déplacés internes.

Comment est-ce que vous vous adaptez à cette situation ? Est-ce que vous prenez des précautions particulières ?

Nous sommes formés à vivre dans des contextes pareils. Par exemple, il y a un couvre-feu, puis il y a des zones où on ne va pas. Mais pour moi, c’est la base au niveau de la sécurité. Je suis dans la capitale et ce n’est pas ici qu’il y a des conflits armés. Ils se passent vraiment dans le reste du pays : les frontières avec l’Ouganda et le Rwanda. Dans la capitale, il y a la criminalité que vous allez trouver dans les grandes villes européennes ou africaines. A cause du contexte politique, on a plus de tensions qui ont une incidence sur notre capacité à travailler, à nous déployer dans les communautés, à tenir notre planification correctement parce que on est amené à hiberner, je dirais aussi parfois que les moyens de communication sont entièrement interrompus. Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas travailler mais il faut effectivement s’adapter à ce contexte. Je le vis plutôt bien comme je vous disais, car ça fait quand même neuf ans que je suis habituée à vivre dans des contextes différents.

Ça correspond vraiment à ce que vous recherchiez ?

J’ai quand même de la chance de faire ce travail. Tout ça m’enrichit. J’ai pour but de rentrer en Martinique pour apporter cette expertise et contribuer à mettre les connaissances que j’ai pu apprendre. Nous sommes dans une région extrêmement exposée, nous sommes une région française mais je trouve qu’on n’est pas du tout au top niveau. Il y a énormément de choses à faire en Martinique au niveau de la préparation aux risques majeurs. La différence entre travailler dans ce domaine à l’étranger  et travailler en Martinique, c’est qu’en Martinique comme en France c’est le domaine également de l’État.

Partie 4 – Interview de Christelle antillaise à Kinshasa

En République Démocratique du Congo, les gens connaissent la Martinique ?

Quand je dis “Martinique” les gens ne savent pas où c’est. Quand je dis “Caraïbe” ils commencent à situer. Et en général ils vont situer La Martinique par rapport à deux îles qui sont très connues dans le monde: c’est Cuba et la Jamaïque. J’essaie d’être un peu l’ambassadrice de la Martinique, pour essayer de faire connaître cette petite île française et globalement la région d’où je viens. Je suis heureuse d’être Française. Je suis Française et Martiniquaise.

Votre projet à long terme serait de revenir ici pour apporter toutes ces connaissances que vous avez acquises donc vous gardez un lien régulier avec la Martinique ?

Oui, je rentre au moins une à deux fois par an. Je recommence à tisser un petit peu un réseau professionnel, pour voir ce qu’il est possible de faire dans mon secteur. Je me donne quand-même entre 2 et 5 ans pour revenir.

A Kinshasa, vous avez également des amis autour de vous et singulièrement des amis des Antilles ?

Oui, Il y a de plus en plus de compatriotes martiniquais et guadeloupéens qui s’expatrient. Ici à Kinshasa, j’ai eu le plaisir de rencontrer une martiniquaise qui travaille à l’UNICEF. J’ai travaillé en Ethiopie, j’ai rencontré un Martiniquais qui s’est installé là-bas. En Asie j’en ai rencontré beaucoup, dont un qui travaillait pour la Compagnie Aérienne Hawaï Airline. Je suis contente de voir que nos horizons ont ainsi changé, et ne se limite pas seulement à la France hexagonale. On se dit que même si l’on vient d’une petite île, le monde nous est ouvert, c’est vraiment  à nous de faire ce pas. Quand on fait ce pas, on voit que voilà les choses ne sont pas aussi compliquées et fermées qu’on le pense. Avant nous allions surtout en France hexagonale pour les études et trouver du travail. Ensuite, j’ai vu qu’il y a eut un mouvement avec des Antillais en Angleterre, et beaucoup d’antillais au Canada. Je  veux dire à mes compatriotes que le monde nous appartient. Nous avons de l’éducation, de l’expertise. Nous pouvons contribuer mais aussi recevoir. J’ai appris énormément de choses que je n’aurai pas apprises en France ni dans les Universités françaises. Je pense que c’est aussi enrichissant de discuter avec des personnes qui viennent d’autres horizons, d’autres zones. En tant que Français, on est borné à voir l’Union européenne, les standards etc…mais on peut faire différemment avec moins de moyens et avoir une autre approche. J’ai beaucoup travaillé dans les pays dits en voie de développement et c’est ce que j’ai appris à faire. Comment développer une expertise à moindre coûts et avec des moyens moindre. Il faut de la persévérance et un engouement.

Ce poste à Kinshasa c’est pour combien de temps ?

Peut-être encore une année dans ce pays parce que la mission est extrêmement intéressante. Mais ce n’est pas un pays évident tous les jours. Quand on commence quelque chose on a envie d’aller jusqu’au bout donc on verra si je serai encore là jusqu’à un nouveau poste.

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